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Impôts : tout savoir sur le prélèvement à la source
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4 décembre 2018 Par Chris COMENDADOR

Le 4 septembre dernier, le Premier ministre Édouard Philippe annonçait la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu à partir du 1er janvier 2019. La réforme voulue par François Hollande et votée à l’Assemblée nationale en novembre 2016, va concerner 38 millions de foyers.

Le prélèvement

Votre impôt sur le revenu, dont le mode de calcul ne changera pas, sera prélevé « à la source », c’est-à-dire :

  • par votre employeur si vous êtes salarié
  • par votre caisse si vous êtes retraité
  • par l’administration fiscale sur votre compte en banque si vous êtes travailleur indépendant ou agriculteur, si vous bénéficiez de revenus fonciers, de bénéfices commerciaux, de pensions alimentaires, de rentes viagères, de revenus de source étrangère imposables en France. Ces acomptes prélevés seront calculés sur la base du montant des revenus déclarés l'année précédente
  • par Pôle emploi pour les chômeurs
  • par la CPAM pour les indemnités maladie.

Si vous êtes particulier employeur d'un salarié à domicile ou d'un.e assistant.e maternel.le, le prélèvement à la source ne s'appliquera qu'à partir de 2020.

En cas de changement de situation

Si votre situation change, il faudra le signaler à l'administration fiscale dans les 60 jours afin de moduler le taux de prélèvement. C'est le cas si :

  • vous vous mariez
  • vous signez un pacs
  • un enfant naît dans votre foyer
  • vous adoptez ou recueillez un enfant mineur
  • votre époux.se ou cosignataire d’un pacs décède
  • vous divorcez ou rompez votre pacs.

Les réductions et les crédits d’impôts

Vous continuerez à bénéficier des mêmes réductions ou crédits d’impôts qu’auparavant. Une avance de 60 % calculée sur la base de la situation fiscale de l'année antérieure vous sera versée le 15 janvier 2019. Le solde sera versé en juillet 2019 après votre déclaration de revenus qui permettra de déclarer le montant des dépenses engagées en 2018 ouvrant droit au crédit d’impôt. Cela vous concerne si :

  • vous employez un salarié à domicile ou une nounou pour vos enfants
  • vous faites un don à une association
  • vous vivez en EHPAD (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) ou en USLD (Etablissement de soins de longue durée)
  • vous réalisez des investissements locatifs
  • vous cotisez à un syndicat.

Chaque année, vous devrez remplir une déclaration de revenus entre avril et juin.

Les taux d’imposition

L’administration fiscale enverra tous les mois aux organismes payeurs, entreprises ou caisses de retraite un taux de prélèvement indiquant la part de salaire ou de pension qui devra être retirée et versée au fisc. Votre taux figure sur l’avis d’imposition reçu à la fin de l’été dernier. Il a été établi en fonction de la déclaration remplie au printemps 2018 et récapitulant vos revenus de 2017. Jusqu’au 15 septembre, vous aviez le choix entre conserver ce taux personnalisé ou opter pour l’un des deux autres taux proposés par l’administration fiscale :

  • si vous êtes en couple, un « taux individualisé » permettait de moduler la répartition de l’impôt en fonction des revenus de chacun des conjoints. Ce qui donnera un taux plus faible pour celui dont les revenus sont moindres et plus fort pour l’autre
  • si vous ne souhaitiez pas que votre employeur connaisse ce taux, vous pouviez choisir un « taux neutre », qui permet de masquer l’existence d’autres revenus. Imposé en fonction de son seul salaire, le contribuable devra dans ce cas verser lui-même chaque mois l’éventuel complément directement au fisc.

Il vous sera en réalité possible de choisir un taux neutre ou individualisé jusqu'au 15 décembre en vous rendant sur votre espace personnel sur le site impots.gouv.fr mais, comme le taux personnalisé sera transmis à votre employeur après le 15 septembre, rien ne garantit que ce changement sera effectif dès janvier. Enfin, certains changements de situation ne seront possibles qu'à partir du 2 janvier prochain : déclarer une naissance, un mariage ou un pacs en 2018, par exemple.

Une réforme qui suscite des inquiétudes

Outre les toujours possibles bugs techniques et informatiques, cette réforme suscite des inquiétudes dans la classe politique, chez les contribuables et dans les entreprises.

Tout d’abord, des inquiétudes sur le respect de la vie privée et la transmission aux entreprises de données personnelles sur leurs salariés. Si un salarié à la paie modeste se voit appliquer un taux important, c’est forcément qu’il perçoit d’autres revenus ou que son conjoint gagne bien sa vie. Son patron pourrait être tenté d’en tenir compte au moment des augmentations, écartant les taux élevés.

Autre interrogation : le taux appliqué en 2019 sera calculé sur les revenus 2017, mais si un changement de situation (naissance, pacs, chômage) a eu lieu entre temps, que faire ? Dans ce cas, vous devez prendre contacter l’administration fiscale pour demander un nouveau calcul de votre taux. Bercy effectuera ce calcul et transmettra votre nouveau taux à votre employeur. Mais cette procédure devrait prendre entre un et trois mois.

Le ministère de l’Économie et des finances, parfois surnommé “Bercy” en référence au quartier parisien où il se situe, depuis son installation en 1990. © Pline via Wikimedia commons / CC BY-SA 3.0

Le prélèvement à la source a un inconvénient pour les saisonniers, les étudiants qui prennent un job d’été. Prenons l’exemple d’un étudiant embauché comme serveur dans un restaurant en août. Un impôt sera prélevé sur son salaire, alors que dans l’ancien système il n’aurait pas été imposable. Ce n’est que l’année suivante, lorsqu’il remplira sa déclaration de revenus, qu’il sera régularisé.

Du point de vue économique, cette réforme pourrait freiner la consommation au moins la première année : quand les Français verront leur salaire diminué sur leur feuille de paie, ils pourraient être tentés, par réflexe, de moins dépenser.

Du coté des entreprises, les patrons s’inquiètent du temps et du coût de cette réforme, et craignent une altération des relations avec leurs salariés.

Enfin, se pose la question de savoir qui contrôlera que les entreprises reversent bien tout l’impôt au fisc.

Un serpent de mer français

Le prélèvement à la source est un vieux débat en France. Il naît dans les années 1930 : en période de crise économique, l’État cherche à faire entrer plus d’argent dans les caisses. La déclaration de guerre de la France à l’Allemagne et le besoin de financer cet effort de guerre précipite la décision : la retenue à la source sur les salaires est adoptée en novembre 1939 sous le nom de « stoppage à la source ».

Le système est abandonné en 1948, à la faveur d’une réforme fiscale. L’idée fait sa réapparition en 1951 puis en 1953 : le vice-président du Conseil et ministre des Finances René Mayer tente d’imposer un nouveau dispositif, mais l’opposition fait chuter son gouvernement par deux fois.

René Mayer a tenté par deux fois de réformer le système de fiscalité français, sans succès © Assemblée nationale

14 ans plus tard, un jeune secrétaire d’État à l’Économie et aux Finances, Jacques Chirac, instaure une commission sur le sujet. Les tourments de Mai 68 auront raison du projet.

1973 : Mai 68 est terminé, et le ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing remet le prélèvement à la source au goût du jour. Projet à nouveau enterré sous la pression des syndicats.

Valérie Giscard d'Estaing n'aura pas réussi à affronter la pression des syndicats, et devra abandonner son projet de prélèvement à la source. © Domaine public

L’idée refait surface début 2007 avant de rapidement disparaître, Nicolas Sarkozy, élu président de la République en mai, s’étant prononcé contre lors de la campagne. Finalement, c’est François Hollande, qui, en fin de mandat, parvint à imposer le prélèvement à la source. Dossier qui atterrit en mai 2017 sur le bureau d’Emmanuel Macron.

Et ailleurs ?

Le prélèvement à la source existe dans de nombreux pays, et parfois depuis longtemps : la Prusse l’a adopté dès 1811, l’ensemble de l’Allemagne en 1925.

Généralement, ce système est appliqué en période de guerre ou de crise, car il permet d'améliorer le rendement de l'impôt. Le Canada, les Pays-Bas, les États-Unis et la Grande-Bretagne l’ont mis en oeuvre dans les années 40, le Danemark, l’Italie et l’Espagne dans les années 70.

Et même s'il est appliqué depuis longtemps, le prélèvement à la source fait régulièrement l'objet de critiques. Aux Pays-Bas et en Espagne, les entreprises mettent en avant les coûts de gestion qu'il génère. En Belgique, les contribuables doivent transmettre leurs informations conjugales à leur employeur, ce qui pose un problème de confidentialité.

Selon un sondage IFOP pour Le Journal du Dimanche publié en septembre dernier, 60% des Français plébiscitent le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Sans surprise, ce sont les sympathisants de LREM (75%) et du PS (62%) qui y sont le plus favorables, alors qu’il ne sont que 50% du côté des partisans LR.

Si les Français approuvent cette mesure, cela ne les empêche pas d’être inquiets pour 47% d’entre eux, selon un sondage Elabe. Motifs principaux de leur crainte : les éventuelles erreurs de l’administration fiscales et la fin de la confidentialité sur leur situation financière.

Le gouvernement, quant à lui, redoute une baisse de sa popularité lorsque les Français recevront leurs premières fiches de paie avec un salaire net réduit. L’exécutif s’est donc attaché dès le mois de mars à communiquer sur le sujet : fiches et vidéos pédagogiques, ministres concernés en tournée dans les médias pour rassurer les contribuables.

Une vidéo de la rubrique « Société & Politique »
Un article de :

Chris Comendador

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