Après le premier tour des législatives dimanche 30 juin, le RN est désormais le premier parti de France.
Quelle est l’histoire de ce parti ? Comment son discours a-t-il évolué ? Nous faisons le point.
Affaiblie après la Seconde Guerre mondiale, l’extrême-droite française retrouve de la vigueur avec la guerre d’Algérie en 1954. Plusieurs groupuscules se forment, parmi eux L’Ordre nouveau, qui rassemble d’anciens SS, des nostalgiques du régime de Vichy et de l’Algérie française.
En 1972, L’Ordre nouveau crée avec des groupuscules d’extrême-droite le Front national. Ils placent à sa tête l’ancien combattant de l’Algérie française Jean-Marie Le Pen, alors député. La priorité du parti : la lutte contre l’immigration.
Dans les années 80, le FN reste un parti marginal. Il fait surtout parler de lui avec les déclarations outrancières de son président sur les chambres à gaz, qualifiées de « point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale », ou avec des propos stigmatisants sur les homosexuels, les immigrés et les Roms.
À la fin des années 80, et dans les années 90, le FN progresse. Jusqu’au coup de tonnerre, en 2002 : Jean-Marie Le Pen est qualifié pour le second tour de la présidentielle face à Jacques Chirac. Il est largement battu (18% des voix contre 82%), mais le pays en a été profondément marqué.
En 2011, sa fille, Marine Le Pen, prend la tête du FN et engage une « normalisation ». Le parti progresse dans les années 2010 et arrive en tête lors des européennes de 2014 et 2019. Marine Le Pen est au second tour de la présidentielle 2017, puis 2022. Ce qui était un « séisme » 20 ans auparavant est devenu « banal ».
En 2018, le parti change de nom pour symboliser sa mue et est rebaptisé « Rassemblement national ».
Le discours du RN semble avoir changé par rapport à celui du FN. Vraiment ? Regardons de plus près.
Marine Le Pen a voulu rompre avec les déclarations antisémites de son père. Après l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre dernier, elle soutient l’État hébreu. Mais malgré cela, des élus ou militants RN sont régulièrement l’objet de polémiques pour des propos antisémites, notamment sur les réseaux sociaux.
En matière d’immigration, le RN a aussi policé son discours. Mais dans les faits, le parti lie toujours régulièrement, à chaque fait divers, immigration et insécurité. Marine Le Pen affirme aussi, sur X (anciennement Twitter), que l’immigration massive pèse aujourd'hui très lourdement sur les finances de la France et entraîne l'effondrement des services publics. Affirmation à relativiser, un rapport de l’OCDE de 2021 montre que la contribution des immigrés sous la forme d’impôts et de cotisations est supérieure aux dépenses que les pays consacrent à leur protection sociale, leur santé et leur éducation.
Dans le programme du RN, on trouve par exemple le durcissement des conditions du regroupement familial, le remplacement de l'Aide médicale d'État (AME) en aide médicale d'urgence, la mise en place de la priorité nationale pour les emplois ou les logements.
Au-delà du thème de l’immigration, le RN met désormais en avant les questions sociales. Marine Le Pen proposait par exemple d’exonérer d’impôt sur le revenu tous les jeunes de moins de 30 ans. Mais c’est une mesure difficile à mettre en place, puisqu’elle va à l’encontre du principe de l’égalité devant l’impôt entre tous les citoyens. De plus, à l’Assemblée, les députés RN se sont plusieurs fois opposés ou abstenus sur des mesures sociales, contre le rétablissement de l’Impôt de solidarité sur la fortune (23 juillet 2023) ou la création d’une garantie d’autonomie pour les étudiants (25 juillet 2023) par exemple.
Sur la question des droits des femmes, si le RN ne remet plus en question le droit à l’avortement, le parti s’est montré très divisé lors du vote sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution le 4 mars dernier, la moitié des élus ont voté contre, se sont abstenus ou n’étaient pas présents lors du vote.
En matière de droits des personnes LGBTQIA+, alors que Jean-Marie Le Pen qualifiait l’homosexualité comme une « anomalie biologique et sociale », Marine Le Pen parle de « tolérance » et d’« inclusion », prétendant protéger les personnes homosexuelles et transgenres en luttant contre l’islamisme radical, vu comme un « ennemi commun ».
Dans les faits, le RN a lancé l’an dernier une association parlementaire, pour lutter notamment contre la prétendue « propagande LGBT » à l'école, ou la « menace transgenre » pour le sport féminin. Localement, des élus se sont élevés contre les subventions municipales octroyées aux associations LGBT, comme à Nice.
Le RN s’impose dans le paysage politique français, ce qui entraîne une libération et une banalisation du discours raciste et homophobe. Les récits d'injures et d'actes xénophobes se multiplient : boulangerie taguée du mot "nègre" et incendiée à Avignon, chauffeur de bus insulté puis percuté en voiture dans le Val-de-Marne... Les associations LGBTQIA+ dénoncent, quant à elles, une augmentation des « appels à casser du pédé » sur les réseaux sociaux, et des centres LGBTQIA+ sont vandalisés ou tagués.
FN, RN… en effet, la forme discours a changé, le RN a su s’adapter, conquérir un nouvel électorat, se débarrasser de ses éléments encombrants. Mais dans le fond, avec l’accent mis sur l’identité nationale, la préférence nationale et des positions conservatrices sur les mœurs, le RN reste un parti d’extrême-droite.