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Nos vies de Sourds
Yvonne Pitrois, grande écrivaine, éditrice et traductrice sourde des années 1910-30
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Traduction par Vice & Versa

Yvonne Pitrois (1880-1937) reste trop méconnue au regard de son immense apport à la culture et à la communauté sourde et sourde-aveugle, œuvre à laquelle elle a dédié toute sa vie. À sept ans, suite à une insolation, elle devient sourde et perd progressivement la vue, ce qui la contraint à passer ses journées dans une pièce sombre pendant des années. Elle est éduquée uniquement par sa mère, professeure et fondatrice d’une école bilingue français-anglais, qui lui enseigne la lecture dans la paume de la main : c’est ainsi qu’elle apprend le français et l’anglais et pourra ensuite devenir traductrice. Quand sa vue devient meilleure, sa mère lui enseigne la lecture labiale. Ce n’est qu’à l’âge adulte qu’elle apprend la langue des signes, mais son mode de communication privilégié restera à jamais l’écriture.

À 18 ans, elle publie son premier livre : une biographie d’Abraham Lincoln, qui est un succès. Elle écrira plus de 25 livres au cours de sa vie, en particulier des biographies de personnalités sourdes et sourdes-aveugles : Abbé de l’Épée, Helen Keller, Paul Houpert, les sœurs Heurtin, Louis Braille, Valentin Haüy... Elle est également une journaliste et une traductrice très prolifique. Ses articles sont publiés dans de nombreux journaux et magazines, français et américains, notamment religieux ou sourds.

En 1912, elle lance le journal La Petite Silencieuse, une fascinante « messagère » d’une vingtaine de pages qui paraît tous les deux mois, à travers laquelle des centaines de femmes sourdes, de toutes conditions sociales, peuvent s’exprimer sur divers sujets (actualité, vie quotidienne, sujets de société...), prendre des nouvelles les unes des autres (pour celles qui se sont connues en pensionnat par exemple), raconter leur vie professionnelle ou familiale… ou encore s’entraider : en fin de journal, des listes de dons sont publiées, et pendant la Première Guerre mondiale, Pitrois crée des caisses de secours via lesquelles les lectrices peuvent venir en aide à des personnes sourdes qui ont tout perdu.

Suite au lancement de La Petite Silencieuse, les lettres de remerciements affluent et le journal atteint très vite les 900 abonnées : il vient briser un isolement alors très fort. « Je ne crois pas qu’il existe au monde un journal publié et écrit par une sourde-muette pour les sourdes-muettes. Vous avez relevé notre tête!» écrit par exemple une lectrice en 1914. En 1928, Pitrois lance Le Rayon de Soleil des Sourds-Aveugles, un trimestriel en braille français, sur un principe similaire. Ces deux périodiques s’éteindront en même temps qu’elle, en 1937.

Malgré la reconnaissance internationale de son travail, Yvonne Pitrois mène une vie plutôt recluse, héritée de l’éducation très pieuse, huguenote, reçue de sa mère. Elle se dédie totalement au travail et à la fraternité universelle sourde. Ses articles et ouvrages, écrit-elle en 1912 au magazine sourd américain The Silent Worker, ont pour objectif de « contribuer à étendre les liens de compréhension, de sympathie et d’affection unissant, de par le monde, notre grande famille universelle du silence. »

Pour aller plus loin : 

Rachel Hartig, Franchir le fossé, Airelle Éditions, 2013

Mathilde Blézat, « Vous avez relevé notre tête ! », Panthère Première, n°2, printemps 2018

Une vidéo de la rubrique « Nos vies de Sourds »
Un article de :

Mathilde Blézat

Commentaires
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par Sylvie LECOMTE
01/05/2021 08h35
Quelle femme admirable cette Yvonne?
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