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«Des miettes pour faire face au quotidien»
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24 juillet 2018 Par Mathilde BLÉZAT | Illustration par Sandrine ALLIER-GUEPIN 

Cathie Sidhoum, interprète français-LSF, travaille à la Maison de la Métropole de Lyon. Pour Média’Pi !, elle témoigne des difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontées ses enfants Sourds.

« Mes fils ont 30 et 34 ans, ils sont tous les deux sourds profonds. Ils sont autonomes : ils vivent dans d’autres villes que moi et ont leur appartement. L’aîné travaille à Pôle emploi. Le cadet a un diplôme de plombier mais il ne peut pas exercer, faute d’adaptation du travail à sa surdité. Il est donc devenu auto-entrepreneur et gère un site internet, lsigo.fr, sur lequel on peut trouver des hébergements et des séjours en langue des signes.

Malgré tout, au quotidien, ils doivent me demander de servir d’interprète pour leurs démarches administratives. L’un d’eux vient de déménager et pour obtenir l’électricité et internet, il a dû passer par moi. J’ai pu ouvrir les comptes mais les fournisseurs d’accès ont requis son accord oral pour valider l’ouverture du compte à son nom. J’ai eu beau leur dire qu’il est Sourd, rien à faire. J’ai fini par donner mon RIB pour qu’il puisse avoir l’électricité et internet. Après, c’était à lui de se débrouiller pour faire le changement de RIB... Il y a une vraie méconnaissance des spécificités des Sourds. Souvent, on leur demande d’envoyer des mails pour faire leurs démarches, ignorant que l’écrit peut être compliqué pour eux.

Avec la loi de 2005, les lieux publics et les institutions devaient devenir accessibles aux Sourds mais les moyens d’application n’ont pas été débloqués. Les appels que j’ai fait au Médiateur de la République et aux associations de lutte contre les discriminations sont restés lettre morte. Quand un Sourd se rend dans une administration, on lui demande de payer l’interprète. À lui de s’organiser avec les 6 heures 30 mensuelles de PCH (prestation de compensation de handicap) qui lui sont octroyées par l’État. À 390 euros par mois, la PCH, c’est des miettes pour faire face aux dépenses du quotidien.

Même à la MDPH, il n’y a pas d’accès gratuit à des interprètes français-LSF ! Comme je suis interprète, j’accueille les Sourds mais je n’ai le droit de recevoir que ceux de l’arrondissement dans lequel je travaille. J’ai proposé en 2010 de créer un point d’accueil LSF à la MDPH pour tout Lyon, on ne m'a pas donné de suites favorables.

Par ailleurs, dans la foulée de la loi de 2005, des centres relais téléphoniques ont été créés. Or, dans les administrations, les banques, certains grands magasins, il y a des postes mais ils ne sont pas reliés aux centres relais car ils n’ont pas souscrit à l’abonnement ou ne savent pas les faire fonctionner. Je n’en ai pas encore vu qui marchent !

Résultat, je dois toujours être collée à mon téléphone, au cas où mes enfants aient besoin de moi. Ça les gêne car ils savent que ça me stresse. Quand on est dans ce rôle d’« assistance », ça gâche la relation familiale. Quand on se voit, on passe notre temps à régler les problèmes, et non à se demander « Comment tu vas, qu’est-ce que tu as fait ce week-end ? ». Comment font ceux qui n’ont pas de proches pour les aider ? Bien souvent, ils se découragent et leurs projets tombent à l’eau...

Ce qui est demandé par les Sourds, ce n’est pas compliqué à mettre en place. Ça débloquerait beaucoup de situations et allègerait leur vie quotidienne. Si une fois par semaine, un travailleur social venait chez eux les aider dans leurs démarches, le reste de la semaine, ils pourraient penser à autre chose, développer leurs projets, travailler ! »

Une vidéo de l'émission « C’est vous qui décidez ! »
Un article de :

Mathilde Blézat

Commentaires
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par Laurence ROBIN
26/07/2018 21h11
Consciente des besoins pour palier au manque d'accessibilité, pourrait-on demander à une personne en retraite, d'aider les personnes sourdes ou mal-entendantes dans leurs démarches une à deux fois par semaine? Ou faut-il avoir pour cela ,un bon niveau en LSF ?
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