Article traduit par Élodie Cervantes (en partenariat avec Vice & Versa)
La Constitution française stipule, dans son article 2, que « la langue de la République est le français », affirmant ainsi qu’il ne saurait coexister plusieurs langues officielles, à l’inverse de ce qui se passe dans de nombreux autres pays, comme le Canada, la Suisse, la Belgique, l’Espagne, la Bolivie, l’Inde ou encore l’Afrique du sud. Pourtant, historiquement, le territoire français comptait de nombreux « patois », dont une minorité seulement a survécu aux politiques en leur défaveur. Des centaines de milliers de personnes ne parlaient que le breton, le basque, le provençal ou l’alsacien, bien que les langues romanes étaient majoritaires : ces langues, telles que le picard, le normand, le poitevin, le bourguignon, etc. sont issues du latin et font partie de la famille du français. Cela n’empêche pas qu’elles ont ensuite été reléguées.
En 1789, sous la Révolution française, on estime qu’un quart de la population ne comprenait pas du tout le français, et seuls 10 % des habitants le maîtrisait bien : des gens aisés vivant dans les villes.
Bannir les langues régionales pour renforcer le sentiment national au XIXe siècle
Quand la langue des signes était bannie à l’école sous Jules Ferry, lors du Congrès de Milan de 1880, les langues régionales subissent également la répression gouvernementale. Pour la classe politique, la défaite de la France dans la guerre qui l'oppose à la Prusse de Bismarck en 1870 était en partie liée au manque de sentiment d’appartenance nationale d’une vaste partie de la population. Pour eux, ce manque était lié au fait que les citoyens ne parlaient pas tous la même langue sur le territoire. Dès lors, il est décidé de disséminer la langue française partout sur le territoire et d’en faire la langue unique, à travers l’école avec les lois Jules Ferry de 1880, et de brimer l’expression dans d’autres langues.
C’est une politique violente, traumatisante pour les populations locales, qui va de pair avec une stigmatisation du monde paysan. Peu à peu, méprisées et perçues comme contraires à la modernité, ces langues cessent de se transmettre d’une génération à l’autre. Le nombre de locuteurs se réduit à peau de chagrin.
Enseignement et protection à partir des années 1990
Mais depuis les années 1990, sous l’impulsion du Conseil de l’Europe (CoE) et de l’Union européenne, une politique de protection de ces langues est mise en œuvre. En 1992, l’Assemblée du CoE adopte une « charte européenne des langues régionales ou minoritaires » et au niveau de l’UE, des fonds sont alloués à la protection de celles-ci. En France, un premier pas avait été franchi en 1951, avec l’autorisation d’enseignement de certaines langues comme le breton ou le basque. En 1999, sous le gouvernement Jospin, une liste de 75 « langues de France » est établie. En 2008, enfin, la mention « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » est ajoutée dans la Constitution.
Aujourd’hui, on peut apprendre des langues régionales à l’école, au même titre que l’anglais ou l’espagnol, et choisir d’être évalué dessus au baccalauréat. C’est le cas du basque, du breton, du catalan, du corse, de l’occitan, du tahitien, du créole, du gallo et des langues de la Mélanésie (c’est-à-dire de la Polynésie française : ajië, drehu, nengone, paicî) et d’Alsace-Moselle.
Dans certaines régions, il existe aussi des écoles où l’enseignement se fait majoritairement dans une langue régionale (tout comme il existe des écoles en langue des signes) ou, à parité avec le français, dans un enseignement bilingue. C’est le cas notamment en Bretagne, avec le réseau des écoles Diwan, en Occitanie, avec les écoles Calandreta, au Pays Basque, avec les Ikastola.
Un article de la rubrique « Culture »